Résistance: France Bloch-Sérazin (A. Quella-Villéger/ des femmes), Laure Moulin (Th. Rabino/ Perrin), Angela Davis (des femmes) et la correspondance Alfred & Lucie Dreyfus (Folio/ Gallimard)
Témoignage de Roland, le fils de deux héros de la Résistance.
Si l’on vit libre en France c’est grâce à des héros dont certains ne sont pas connus. Sans eux, on ne sait pas ce qui serait arrivé. Parmi eux le couple Sérazin. France Bloch-Sérazin (1913-1943), fille de l’écrivain Jean-Richard Bloch et de la sœur d’André Maurois (Marguerite Herzog), est une dame extraordinaire morte avant ses trente ans, au terme d’une vie trépidante. Brillante étudiante, la jeune chimiste adhère au communiste et s’engage tôt dans le combat contre les nazis. L’immonde régime de Vichy la fiche juive et communiste puis fait tout pour l’arrêter. Jeune maman d’un garçon, Roland né le 28 janvier 1940, elle vit dans le stress permanent, : elle veut cacher le bébé, et ne sait pas où est son mari, Frédo Sérazin, résistant comme elle qu’il surnommait «Francette». L’enfant a deux ans quand sa maman est arrêtée par les vichystes, le 16 mai 1942. Elle sera exécutée par les nazis, le 12 février 1943, en Allemagne, après avoir été livrée à l’ennemi par la France de Pétain. Son mari fut arrêté, torturé le 15 juin 1944 et tué le jour même de son arrestation. Il faut donc ancrer dans notre mémoire, ce couple mort pour la France. Leur fils a été sauvé des griffes des occupants et des miliciens grâce à une chaîne de la solidarité mêlant parents et amis. Madame Bloch-Sérazin se prénommait France. C’est dire l’amour que sa famille portait à la France qui a tout fait pour la massacrer, elle et d’autres membres de sa famille. La dernière lettre de France Bloch-Sérazin annonce sa mort à son mari. Des mots déchirants comme deux de Guy Moquet.
Un résistant peut en cacher un autre. En l’occurrence, une résistante. Laure Moulin (1892-1974), la sœur du seul préfet qui est resté dans sa préfecture quand les nazis avançaient dans la France. Infirmière volontaire lors de la Première Guerre mondiale, elle était une patriote de premier ordre. Professeur d’anglais, elle aide les réfugiés espagnols qui fuient Franco, puis elle s’engage dans la résistance en été 1940. Dans l’ombre totale, elle aide son frère, devenant une spécialiste du codage et décodage des messages secrets. Quand son frère meurt, elle est désemparée et cherche à comprendre ce qui a pu se passer. A-t-on balancé son «petit frère» aux nazis ? Si oui, qui ? Thomas Rabino reconstitue les étapes essentielles de Laure Moulin, personnalité aux multiples dons : les langues, la littérature, le sport… De caractère et de visage, elle ressemblait à Jean Moulin, trait pour trait, aussi belle qu’il était beau. On dirait que Jean était Laure en version homme, et que Laure était Jean en mode féminin. Le livre de Thomas Rabino est le premier consacré à l’héroïne qui passa le reste de sa vie, après la Libération, à honorer la mémoire de son frère. Un ouvrage référence.
Autre forme de résistance et pas la moindre: celle d’Alfred Dreyfus, élargie à sa femme. Voilà des lettres qui ne sont pas people comme celles d’un ex président - l’un des plus grands menteurs d’après-guerre- et de sa femme cachée, rien d’autre que du Voici de la branchouille sans aucun intérêt, à part de ramasser du fric (Si ce genre de torchon permet de rééditer Dreyfus, Perros et Navel, cela est un mal pour un bien). J’ai vu des manuscrits de Dreyfus à la BN. Pour ne pas devenir fou au bagne, il faisait de la calligraphie. Oui, il répétait plusieurs fois la même forme, ce qui peut paraître affolant alors que cela travaillait sa concentration, sa grande force mentale. Dreyfus est l’un des plus grands serviteurs de la France. Ceux qui l’ont condamné, dégradé, humilié, conduit presque au seuil de la mort dont il est revenu, auraient mérité d’être jetés dans une fosse aux lions remise en service rien que pour eux. Des psychiatres et autres analystes à la mode parlent de résilience. Mais que représentent-ils face à l’innocent dont l’honneur a été massacré puis rétabli grâce notamment à Emile Zola, lui-même bafoué, malmené et peut-être tué comme l’explique certaines thèses sur un assassinat par asphyxie ?
-France Bloch-Sérazin, une femme en résistance (1913-1943), Alain Quella-Villéger. Des femmes/ Poches, biographies, 300 p., 10 €.
-Laure Moulin. Résistante et sœur de héros, Thomas Rabino. Perrin, 310 p., 22 €.
- Ecrire, c’est résister, correspondance (1894-1899), Alfred et Lucie Dreyfus. Editions par Marie-Neige Coche et Vincent Duclert. Préface de Françoise Gillard. Folio/ Gallimard, 300 p., 7, 90 €.
A lire aussi ce livre d’un mythe vivant : -Femmes , race et classe, Angela Davis. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Dominique Taffin et le collectif des femmes. Des Femmes/ Antoinette Fouque, 300 p., 10 €