Petit-fils du Dr François Ricofi, ancien maire de Contes révoqué par les Vichystes, un livre édité par un éditeur installé à Coaraze ne peut pas me laisser indifférent.
Créées par Jean Princivalle en 1995, les éditions L’Amourier publient entre autres Marie-Claire Bancquart à qui l’on doit Paris fin-de-siècle, Paris des surréalistes et Paris de 1945 à nos jours
(La Différence, 2002-2007), le Niçois Daniel Biga, François Bon, Bernard Noël et Michel Butor. J’ai signalé des noms qui me sont familiers, mais la liste des auteurs est longue et de qualité.
Parmi les auteurs, on trouve Anne Cayre dont on publie un magnifique ouvrage posthume : La Fille sauvage de Songy.
La quatrième de couverture nous signale : « Anne Cayre est née en Égypte, au Caire, en 1945. Elle a vécu toute son enfance à Nîmes. Sa vie professionnelle fut consacrée, avec passion, à l’enseignement et à l’écriture. Elle a publié une dizaine de titres, dont notamment, Visage de Manuel, avec une préface de Bernard Noël. Anne Cayre est décédée le 24 décembre 2011 après avoir travaillé obstinément, au prix d’efforts considérables, sur ses derniers manuscrits ». Quand on commence le livre, on est triste de savoir que son auteur n’a pas eu le plaisir de le voir en librairie. «Au prix d’efforts considérables, sur ses derniers manuscrits »… On salue son courage. Et son talent.
Le 8 septembre 1731, on découvre une « nègre » a demi-nue. Apeurée par les chiens, les fourches des hommes, les femmes curieuses et les enfants accrochés aux jupes, la jeune fille grimpa dans un arbre. Un homme hurla qu’il s’agissait de la « diablesse » aperçue auparavant du côté de Vitry-le-François.
Ici on songe à la pièce de Peter Handke ou au film de François Truffaut sur le même sujet mais avec un garçon. La légende de Gaspard Hauser n’en finit plus d’inspirer les créateurs. Il est vrai que retrouver quelqu’un épargné par les ravages de l’éducation stéréotypée n’est pas banal.
Plus de vingt ans après la capture de l’enfant sauvage, Mme Hecquet fit connaissance avec la fille de la forêt champenoise trouvée par les villageois de Songy. Elle l’interrogea à plusieurs reprises et publia un livre sur l’enfant perdu : Histoire d’une jeune fille sauvage trouvée dans les bois à l’âge de dix ans (1755). Il y a polémique sur l’âge : avait-elle une dizaine d’année ou était-elle plus proche de vingt ans? Le livre d’Anne Cayre relate donc d’une histoire vraie qu’elle s’attache à faire revivre, trois siècles plus tard. Au début de sa découverte, les gens la traitent comme un animal. « Elle pissait debout, devant nous. » La jeune fille fut recueillie par le seigneur de Songy, un vicomte avant de rejoindre des Sœurs dans l’hospice de Chalons.
Au fil du temps, la jeune fille s’acclimate à sa nouvelle condition et fini par ânonner qu’elle s’appelle Marie-Angélique Desolives ». Quelle révélation inattendue !
Chez les Ursulines, on l’affubla d’un nouveau patronyme : Le Blanc, oui la « nègre » se dénomma alors Marie-Angélique (Mémmie) Le Blanc. Ses progrès sont si foudroyants qu’elle tient conversation comme on le voit à partir de la page 184. Elle surprend tant son monde que même le fils de Jean Racine veut l’approcher. Ce n’est pas sans un grand pincement au cœur que l’on termine cet ouvrage qu’on aurait aimé encore poursuivre un long moment parce que partager l’intimité de la fille sauvage nous fait souvent vivre des instants de grâce. On imagine que sa biographe Anne Cayre a ressenti encore plus fort que nous la présence de l’ancienne enfant sauvage. Nous n’avons fait que lire ce qu’elle a écrit.
-La Fille sauvage de Songy, d’Anne Cayre, L’Amourier, 284 p., 20 €
http://www.amourier.com/
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